Mesurer et caler son parapente, le guide complet 2025

Le calage de votre suspentage c’est LE réglage qui peut changer complètement le comportement et la performance de votre aile. Longtemps réservée aux ateliers pros et aux compétiteurs du plus haut niveau, c’est une pratique qui se répand de plus en plus chez les pilotes loisir, en particulier depuis l’arrivée sur le marché des EN-C deux lignes. En effet, toutes les ailes se décalent en vieillissant mais les 2 lignes sont plus sensibles que les ailes 3 lignes aux modifications de calage et les pilotes avec ce genre de matériel sont souvent plus dans une démarche d’optimisation de performance.

Ce guide à pour but de vous donner des éléments de compréhension sur cette pratique technique. Vous permettant ainsi de pouvoir faire vos mesures par vous même et de décider si vous vous lancez dans l’aventure du réglage de voiles ou si vous laissez ça aux pros.

AVERTISSEMENT : Un mauvais réglage peut rendre une aile dangereuse voire involable. Il est possible de mettre sa vie en danger à plusieurs moments du processus de mesures / réglages. Soyez extrêmement vigilant et en cas de doute consultez des professionnels expérimentés (ateliers de référence).
Voici quelques points de vigilance :
– Le simple fait de tirer plusieurs fois sur une suspente où par à-coups violents pendant la mesure peut l’étirer de plusieurs millimètres et ce pour plusieurs heures de vol ensuite.
– Faire des réglages à partir de mesures approximatives (si suspentes étirées pendant la mesure par exemple) peut être dangereux.
– Bien penser à resserrer les maillons rapides à la pince après les avoir ouvert pour faire un réglage.
– Sur les ailes équipées de connects entre les élévateurs et le suspentage, une énorme vigilance est requise sur la bonne fermeture des connects après réglage.
– Avant d’aller voler : toujours vérifier votre aile en gonflage après avoir fait des mesures et/ou des changements de régalge.

Les grands principes du calage

Le calage global de l’aile c’est la base absolue. Avec le temps les suspentes raccourcirent, mais de manière inégale selon leur matériau, diamètre et surtout selon qu’elles soient chargées de beaucoup de poids ou non.
De manière classique les suspentes arrières (B sur voiles 2 lignes / C sur voiles 3 lignes) ont tendance à plus raccourcir que les avants du fait de la répartition du poids du pilote principalement sur les suspentes avant. Les voiles ont tendance à devenir cabreuses avec l’usure. Une aile cabreuse sera plus paresseuse au gonflage, moins rapide, pénètrera moins bien face au vent, et aura plus de chances de sortir accidentellement du domaine de vol par le décrochage.

Quand mesurer son calage ?

Chaque constructeur donne des recommandations différentes, les plus précoces recommandent de mesurer dès 20h de vol (c’est dans les premières heures que le suspentage bouge le plus), consultez le manuel de votre voile.
Vous pouvez aussi le faire de manière spontanée pour une recherche de performance ou si vous avez des doutes sur le comportement de votre aile.

Le calage par groupes

Quand on mesure son parapente pour la première fois, on se retrouve souvent intimidé par le fait qu’il va peut-être falloir régler chaque suspente individuellement, ce qui va être très dur si on doit faire des modifications dans les étages supérieurs du suspentage…
Rassurez vous, il s’agit là de l’utilme niveau de geekerie. Le commun des mortels et l’écrasante majorité des ateliers se contentent de faire des réglages par groupes de suspentes.
En général on divise le suspentage en 3 groupes :

Schema de visualisation des groupes sur un plan de suspentage
Illustration des groupes de suspentage – 3D Sup’Air

Chaque groupe est responsable de différentes caractéristiques, on peut vulgariser comme ceci :

Groupe 1 : Responsable de l’équilibre global entre taux de chute et vitesse max.
Un groupe 1 plus cabreur pourra améliorer légèrement les capacités de montée en petit thermique mais au détriment de la vitesse max et d’un peu de capacité de pénétration face au vent.

Groupe 2 : Responsable de l’équilibre entre capacité de “sniffage” de thermique et agilité.
Un groupe 2 plus cabreur pourra améliorer légèrement les capacités de “sniffage” en thermique mais au détriment de l’agilité et de l’agrément de pilotage.

Groupe 3 : Responsable de l’équilibre entre la tension globale dans l’envergure et la fragilité des bouts d’ailes.
Un groupe 3 plus cabreur pourra améliorer la tension globale de l’aile y compris accélérée, au détriment de la qualité du virage aux freins. Un groupe 3 plus piqueur permettra souvent un virage aux freins plus efficace mais des bouts d’ailes plus fragiles en thermique et accéléré.

Le vrillage

En aéronautique, le vrillage correspond à la différence d’incidence le long de l’envergure de l’aile (dans le cas du parapente donc réglable via l’incidence des différents groupes mentionnées au dessus).

– Un vrillage positif, avec des bouts d’aile plus cabrés que le centre, améliore en général la sécurité passive, la tension globale, le comportement dans les basses vitesses et en thermique.
C’est pour ça qu’il est le plus commun sur les parapentes, même de haut niveau.

– Un vrillage neutre voire négatif, consiste en des bouts d’ailes autant voire plus piqueurs que le centre.
Peu de parapentes ont un vrillage de ce genre. Néanmoins beaucoup d’ailes ont un vrillage de ce genre quand elles sont accélérées grâce à la cinématique d’accélérateur.

Il s’agira de trouver le bon compromis entre sécurité, performance, agrément de pilotage, vitesse max et capacité de monté en thermique.

La cinématique d’accélérateur

Extrait du manuel de l’Ozone Zeno 2

Sur toutes les voiles il y a ce que l’on appelle une cinématique d’accélérateur pour faire évoluer le vrillage tout au long de la course d’accélérateur.
Prenons l’exemple d’une Ozone Zeno 2 : avec le réglage usine quand la voile est complètement accélérée le A3 se retrouve plus haut que le A de +73mm (443 – 370mm = 73mm) alors qu’au neutre ce A3 est plus bas que le A de -8mm (522-530 = -8mm).

Sur la plupart des voiles performantes le A3 (ou A extérieur) est monté “flottant” sur une drisse. Les élévateurs comme le reste du suspentage se rétrécissent ou s’allongent avec le temps. Il est classique que la drisse sur laquelle sont montés les A3 rétrécisse plus vite que le reste, on se retrouve alors avec une aile a la cinématique d’accélérateur différente de celle souhaitée par les concepteurs.

Pour vérifier la conformité de ce réglage il vous suffit de mesurer les différents éléments de vos élévateurs avec un mètre (sous une tension d’environ 5kg). Si la drisse a en effet rétréci, on peut relâcher le loop quand il y en a un, ou la remplacer par une nouvelle à la bonne longueur.

Le calage des pyramides des A

On se rapproche ici des niveaux de réglage les plus avancés et qui ne concernent que les 2 lignes.
Sur les ailes deux lignes, il y a en réalité deux points de suspension au niveau de l’avant du profil (au centre de l’aile). Au même titre que le calage global il est possible qu’avec le temps un écart se crée entre les suspentes AA et AB.
Un écart supérieur à 5mm entre ces deux suspentes (sur la même rangée) pourrait induire une déformation sur l’avant du profil, sa partie la plus sensible… Cette déformation pourrait dégrader entre autres la performance générale, la capacité à pénétrer face au vent et la solidité du bord d’attaque.

Corriger un écart sur ces suspentes hautes sera bien plus fastidieux qu’un réglage classique aux maillons sur l’élévateur. Il sera possible d’utiliser la technique de l’insert de matière dans la suspente ou de cascade loop.

La longueur des freins

On sort légèrement du sujet du calage à proprement parler mais il était important pour nous de clarifier quelques points sur ce sujet.
Les drisses de freins ont tendance à raccourcir du fait du peu de poids qui y est appliqué, selon le matériau utilisé, il a déjà été observé des rétrécissements de plus de 15cm ! Il peuvent aussi raccourcir à cause du toronnage (ou torsades) qui apparait à force de faire des tours de freins (plus sensible sur les ailes sans émerillon).

Le bon réglage des freins est celui où, en vol, il y a toujours un lobe au freinage accéléré à fond.

Les nouveaux pilotes de 2 lignes ont tendance à se plaindre d’une garde aux freins trop longues. Cette garde est nécessaire et spécifique à ces ailes pour leur permettre de ne jamais être freiné tout au long de leur grande course d’acccélérateur. Freiner avec une deux lignes en vol accéléré peut provoquer des fermetures massives et aléatoires. L’idée de raccourcir les freins de votre 2 lignes fraichement déballée est donc une mauvaise idée. Il faudra vous habituer à voler en thermique avec un tour de frein (au risque d’avoir la main bloquée dedans avec des gros gants et d’appliquer un filet de frein en vol accéléré aux arrières…) ou la technique du demi tour de frein (idéale pour basculer en “poignées de chiottes” rapidement, et au passage la meilleure prise de commande pour être sur les arrières en vol accéléré et ne pas appliquer de frein).
Par contre, il est important de vérifier régulièrement que vos freins ne sont pas trop courts en vérifiant le lobe accéléré à fond.

Le matériel nécessaire

Les bancs de mesure

EasyTrim

Initialement un projet de DEJEPS, c’est maintenant le meilleur compromis prix / poids / encombrement / facilité. Corps en impression 3D et baguettes en alu.
La page Instagram de la marque pour acheter le banc EasyTrim.
Prix 80€

SRS Glider Trimmer

Vendu par XCMag au prix de 150€, il est aussi fait en impression 3D mais comporte plus de petites vis et de complexité globale que le EasyTrim. Il est plus encombrant mais propose une plus grand raquette de visée (bien que ce ne soit pas nécessairement utile)

Bancs de mesure fabrication maison

Certains pilotes se fabriquent leur propre banc de mesure selon leurs moyens et préférences. Allant du plus basique avec des boîtes en plastique en guise de cible et avec une simple poulie, jusqu’a à des laser montés sur rail pour maximiser le rendement dans certains ateliers pros.

Un banc “maison” à côté d’un EasyTrim
Banc de mesure professionnel sur rail

Les télémètres lasers

Plusieurs gammes de prix en fonction de la complexité.
La fonction Bluetooth pour envoyer les mesures directement à l’ordinateur peut sembler gadget mais est en réalité un vrai plus d’ergonomie, limitant au passage les chances de se tromper en rentrant manuellement les mesures. Certains télémètres proposent également de pouvoir naviguer et supprimer des données dans le tableur directement depuis le télémètre.

Avec Bluetooth : Bosch PLR 30 C (environ 90€) , Leica Disto D1 ou D2 (environ 120€)
Sans Bluetooth (le moins cher) : Parkside PLEM 50 D4 (20€)

Passer à l’action

1 – Faire ses mesures

Faire ses mesures est une chose, en déduire quel réglage faire au niveau des suspentes ou des élévateurs en est une autre. Tous les experts consultés pour la rédaction de cet article sont formels. Savoir mesurer et régler un calage est une affaire d’expérience sur laquelle il est possible de faire des erreurs très dangereuses.

Une utilisation alternative et raisonnable d’un banc de calage peut être de s’en servir pour mesurer et savoir quand emmener sa voile chez un professionnel pour une modification du réglage.

Voici quelques règles pour éviter de s’exposer aux risques de ces erreurs :
– En cas de grosse différences de symétrie sans tendance à ce que la voile tourne d’elle même en vol droit, ne pas chercher à rattraper la dyssémétrie.
– En cas de grands rétrécissements des suspentes A extérieur, la solution concerne souvent plus dans la drisse sur laquelle est montée le A flottant que sur le suspentage (voir la partie “cinématique d’accélérateur” plus haut) !

Les tableaux de calage constructeur

La plupart des fabricants fournissent sur la page web de la voile des tableaux des longueurs d’usines de référence, mais sans les calculs par groupe.
Certains fabricants (comme Ozone ou Niviuk) donnent directement le tableau Excel pour rentrer vos mesures et avoir une interprétation des résultats par groupes de suspentes. Sinon il vous faudra vous créer vous même votre tableau avec vos valeurs de références en s’assurant que les formules de calcul par groupes de suspentes soient correctes.

Tableau de calage d’une Ozone Zeno 2 avec explications

We-Measure.io

Le site we-measure.io propose une solution en ligne et gratuite. Il demande un petit temps d’apprentissage mais présente de nombreux avantages :
Interface visuelle pratique pour guider pendant la phase de mesures
– Bonne visualisation des résultats des mesures
– Outil de simulation des modifications de réglages (différents types de nœuds etc) à faire à partir de vos mesures.*
– Connectivité télémètre Bluetooth
– Possibilité de partager ses résultats pour en discuter avec un ami ou un expert.
– Outil de comparaison de différentes mesures côte à côte.
– Base de donnée de mesures publiques

*L’outil de simulation des modifications se base sur la moyenne de modification par type de nœud sur ce modèle de voile spécifique dans la base de de données de we-measure (en prenant donc en compte la spécificité du diamètre de suspente, du maillon ou connect etc). Comme c’est une valeur théorique basée sur de la data interne, il est évident qu’elle sera plus précise sur des modèles de voile répandus. Dans tous les cas il vous faudra mesurer de nouveau après avoir fait vos modifications pour vérifier votre nouveau réglage (et alimenter la base de données au passage).

Les données de certaines ailes (Advance ou biplaces par exemple) ne sont disponibles qu’à la demande via le formulaire de contact de we-measure.

Capture d’écran d’un résultat de mesure du site we-measure.io

2 – Régler à partir de ses mesures

Vous arrivez à la partie ou vous pouvez mettre votre vie en jeu. Vous prenez aussi à ce moment là le risque de perdre toute éventuelle garantie constructeur.
Ceci est un rappel supplémentaire sur la vigilance à avoir pendant la phase de remontage des suspentes et fermeture des maillons ou connects.

Si le calage mesuré diffère du réglage d’usine ou que vous souhaitez faire des réglages selon vos exigences, plusieurs solutions s’offrent à vous pour modifier le réglage :
– Réglage par nœuds sur les maillons ou connects (nous avons choisi de ne pas fournir de tableau indicatif des réductions des différents types de nœud car trop variable selon les diamètres des maillons et suspentes.)
– Réglage avec des cascade loops (Voir le tutoriel d’Honorin Hamard)
– Réglage avec insert de matière dans la suspente, aussi appellé inner-line (possible seulement sur les suspentes dégainées et attention il ne faut pas les faire nimporte où sur la suspente ou nimporte comment au risque de créer une fragilité sur la suspente.).

Il est vain d’essayer de remettre une aile à 0 écart par rapport au réglage usine, c’est quasiment impossible, on essaie de s’en rapprocher le plus possible. Voilà à titre indicatif une échelle des écarts (par groupe) :
– Entre +/-0 et +/-5mm sont considérés comme anodins
– Entre +/-5mm et +/-10mm peuvent commencer à être pris en compte et réglés
– Entre +/-10mm et +/-20mm doivent être réglés
Au delà de +/-20mm doivent impérativement être réglés

Pour rappel, dans la plupart des règlements de compétitons il y a une marge de tolérance maximale. La règle pour le circuit PWC est de +20mm max d’écart avec la valeur usine.
Il est possible d’être disqualifié ou pénalisé du fait de voler avec une aile trop éloignée des valeurs de référence.

3 – Mesurer sa modification et tester

Avant de pouvoir aller gonfler votre voile puis la tester en vol, il vous fait impérativement faire des nouvelles mesures pour s’assurer que vos modification théoriques collent à la réalité.
Si vous utilisez we-measure.io vous améliorerez au passage l’outil de simulations selon les nœuds.

Vous devez systématiquement vérifier votre aile en gonflage avant de voler avec après avoir fait des modifications. Cela pourrait vous permettre de déceler un comportement anormal et/ou des suspentes mal remontées.

Notes et réflexions de la rédaction

L’idée de cet article nous est venue en mesurant et calant nos propres voiles de compétition. Aussi, nous n’avions pas connaissance d’un endroit accessible en ligne où trouver toutes les informations et connaissances nécessaires pour naviguer ce sujet d’importance capitale pour la performance mais surtout pour la sécurité.
Nous souhaitions en particulier sensibiliser les nombreux nouveaux pilotes de 2-Lignes depuis l’arrivée d’ailes EN-C du genre.
Nous espérons sincèrement que vous en tant que lecteur prendrez le temps de lire les divers messages d’avertissement dans l’article.


Wingspan.fr est un projet bénévole jusqu’ici. La meilleure façon de nous soutenir : un simple like sur notre page Facebook et/ou un follow sur notre Instagram sont des grands coups de pouce ! Vous pouvez aussi le partager sur les réseaux sociaux.

Merci !

article paru le 12 mai 2025.

Retour en haut